Le Testament
d'Épicure

La lettre à
Hérodote

ÉPICURE
BIOGRAPHIE
Ce texte est extrait du livre  Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres écrit par  Diogène Laërce traduit par  Robert Genaille édité par  GF-Flammarion.
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      Épicure fils de Néoclès et de Chérestrate, Athénien de dème de Gargettios, de la race des philaïdes ( cf. Métrodore : de la Noblesse ). D'autres auteurs ( cf. Héraclite, abrégé de Sotion ) disent qu'il fut élevé à Samos, ville dont les Athéniens avaient fait une clérouquie, et qu'il vint à Athènes à dix-huit ans au temps où Xénocrate dirigeait l'Académie, et où Aristote séjournais à Chalcis. Après la mort d'Alexandre de Macédoine, les Athéniens tombèrent au pouvoir de Perdicas et Épicure s'en alla à Colophon rejoindre son père. Il y vécu un certain temps, y créa une école, et revint à Athènes sous l'archontat d'Anaxicratre. Il philosopha d'abord en commun avec les autres philosophes, puis il créa une secte particulière qui prit son nom. Il dit lui-même qu'il commença à étudier la philosophie à quatorze ans. L'Épicurien Apollodore ( Vie d'Épicure, I ) prétend qu'il vint à la philosophie par dégoût de la grammaire et parce que les grammairiens étaient incapable de lui expliquer le chaos d'Hésiode. Hermippe déclare qu'il fut d'abord maître de grammaire, et qu'il s'adonna à la philosophie pour avoir lu Démocrite. Timon l'a raillé en ces termes :

Le dernier physicien et le plus terrible, venu de Samos
Maître de grammaire, le plus grossier des êtres vivants

      Sur ses conseils, les trois frères d'Épicure : Néoclès, Chérémède, et Aristobule, s'adonnèrent aussi à la philosophie ( cf. Philodème l'Épicurien, des Philosophes, livre X ). on ajoute à ses disciples son esclave nommé Mus ( cf. Myroniamos, Histoires semblables ). Le stoïcien Diotine, qui le haïssait, l'a très vilainement calomnié en produisant comme Épicure cinquante lettres scandaleuses. Un autre auteur a fait comme lui, et donné à Épicure des lettres ordinairement attribuées à Chrysippe. Les Stoïciens Posidonius, Nicolaos, sotion ( Vingt-quatre preuves à dioclès en douze livres ) et Denys D'Halicarnasse ont fait de même. Ils ajoutent les détails suivant : Épicure allait avec sa mère dans les maisons lire des purifications, et comme son père, il enseignait l'alphabet à prix d'argent. Un de ses frères était un débauché, lui-même vivait avec une catin nommée Léontia. Il s'attribua l'ouvrage de Démocrite sur les atomes et celui d'aristippe sur le plaisir. Il n'était pas né citoyen grec ( cf. Timocrate et Hérodote : de la Jeunesse d'Épicure ). Il flatta laidement Mithra, agent de Lysimaque, et l'appela dans ses lettres Péan et Roi. Il loua et flatta Idoménée, Hérodote et Timocrate, qui avaient fait connaître ses livres. Dans une lettre à Léontia, il écrit : " Par Apollon, ma chère Léontia, j'ai été bien agréablement ému en lisant ta lettre." À : Thémista, femme de Léonteus, il écrit : "Je serais bien malheureux si vous ne venez me voir et j'irai, croyez-le, rapide comme le vent, là où Thémista me dira d'aller." Il écrivit au jeune Pythoclès : "Je resterai assis à attendre ton retour charmant et divin." Une autre fois, il écrivit à Thémista sa décision de la conseiller ( cf. Thédore, Histoire d'Épicure, livre IV ). Il a encore écrit à d'autre prostituées, mais surtout à Léontia, que Métrodore aima comme lui. Dans son livre du Souverain bien, il écrit ceci : "pour moi, je ne sais pas ce que je pourrais appeler bien, si j'ôte les plaisirs de la table, de l'amour, de la conversation, et des belles choses." Et dans la lettre à Pythoclès "Fuis toute discipline, bienheureux, à voiles dépliées", écrit-il.
      Épictète l'appelle immoral, et le frère métrodore, qui quitta son école après avoir été un moment son disciple, dit qu'Épicure vomissait deux fois par jour tant il mangeait. Il raconte encore qu'il eut de la peine à trouver la force de fuir ses philosophies nocturnes, et son genre de vie mystique.Il dit encore qu'Épicure, qui résonnait mal, faisait encore bien plus de faites dans sa vie, qu'il était très faible de corps, au point que, pendant de nombreuses années, il ne pouvait se lever seul de son siège, et que, cependant, il dépensait chaque jour une mine pour la table ( cf. La lettre qu'il a écrit à Léontia et celles aux philosophes de Mytilène ). Il dit encore que Métrodore et lui fréquentaient d'autres prostituées, comme Marmarios, Hédéia, Érotios et Nicidios. Dans les trente-sept livres qu'il a écrit, sur la nature, Timocrate révèle encore bien des faits analogues en contredisant Nausiphane et d'autres philosophes, et il dit en un passage exactement ceci : " Plus que d'autres Épicure accouche par la bouche de la jactance sophistique, comme font beaucoup d'affranchis. " Épicure d'ailleurs leurs a écrit dans ses lettres à Nausiphane : " Timocrate est tombé dans une telle insolence qu'il m'a injurié et qu'il s'est appelé mon maître. " Timocrate l'a en effet traité de tous les noms : " entrailles, ignare, menteur, débauché ".
      N'appelle-t-il pas encore les disciples de Platon flatteurs de Denys, et Platon lui-même un homme cousu d'or, et Aristote un prodigue, qui après avoir mangé tout son patrimoine, a fait le métier de soldat, et vendu des remèdes. Il appelle Protagoras portefaix, scribe de Démocrite, et maître d'école de village. Il appelle Héraclite trublion, et Démocrite Léroclite. Il nomme Antidore Sainidore. Il appelle les Cyniques les ennemis de la Grèce, les dialecticiens des grands envieux, et Pyrrhon un ignorant et un sot. Voilà tout ce que des écrivains ont osé dire d'Épicure, mais tous ces gens-là sont des fous.
      Car on a des témoignages suffisants de son incroyable justice envers tous : sa patrie qui l'a honoré de vingt statues de bronze, tous ses amis, si nombreux que des villes entiès ne suffiraient pas à les contenir, et ses disciples, qui sont restés fidèles à sa doctrine ( excepté Métrodore de Stratonice, qui alla trouver Carnéade, parce que, sans doute, il ne pouvait supporter l'extrême bonté d'Épicure ) et la succession continuelle de cette école, qui a seule subsisté, quand toutes les autres se détruisaient, parce qu'il y eut toujours d'innombrables disciples pour succéder à des disciples. Que l'on songe encore à son amour filial, à sa bienfaisance à l'égard de ses frères, à sa douceur pour ses domestique, mise en évidence par son testament, et ce fait qu'il les admettait à son enseignement philosophique, puisque le plus célèbre de ses disciples fut ce Mus que j'ai cité plus haut. En un mot, il était un ami de tous les hommes. Que dire de sa piété à l'égard des dieux ? C'est par exès de modestie qu'il ne prit pas part au gouvernement. Quand la situation était difficile, il continua de rester en Grèce, et n'alla que deux ou trois fois en Ionie, pour voir des amis qui lui arrivaient de tous côtés, et venaient vivre avec lui dans son jardin qu'il avait acheté quatre-vingts mines ( cf. Apollodore ). Dioclès ( Examen des philosophes, livre III ) dit qu'il vivait de la façon la plus sobre et la plus simple : " un verre de vin lui suffisait, et il buvait de préférence de l'eau."
      Épicure n'admettait pas que ses disciples et lui fissent bourse commune, comme faisait Pythagore, qui déclarait que tout est commun entre amis. Il voyait là une attitude de gens défiants et peu sûrs et non d'amis. Il nous dit lui-même dans ses lettres qu'il se contentait de pain rude et d'eau, et encore : " Va me chercher un fromage de Cythnos, afin que je puisse faire un meilleur repas, quand il m'en prendra fantaisie."
      Tel était cet homme, qui a déclaré que le bohneur était le souverain bien, comme dit Athénaios dans ses Épigrammes :

Hommes, vous faites le mal, et pour un gain vil,
Vous vous lancez dans les querelles et dans les guerres,
Mais le sage se tient dans une sage limite ;
Les vaines querelles mènent à des impasses.
Voilà: ce que le sage fils de Néoclès a appris
Des muses ou du Trépied sacré de la Pythie.

      Nous le saurons mieux d'ailleurs en étudiant ses théories et ses paroles. Il aimait surtout parmi les anciens Anaxagore ( cf. Dioclès ), qu'il a pourtant parfois contredit, et Archélaos, le maître de socrate. Il exerçait ses élèves, nous dit le même auteur, à bien tenir en mémoire ses propres écrits. Apollodore ( Chroniques ) dit qu'il fut disciple de Nausiphane et de Praxiphane. Mais Épicure le nie dans une lettre à Euryloque où il déclare s'être formé lui-même. Tout comme Hermarque, Épicure nie qu'il y ait eu un philosophe nommé Leucippe, dont quelques-uns, entre autres l'Épicurien Apollodore, prétendent qu'il fut le maître de Démocrite. Démétrios de Magnésie dit qu'Épicure fut élève de Xénocrate.
      Il nommait les choses avec la plus scrupuleuse précision, mais le grammairien Aristophane le critique parce qu'il trouve son style trop personnel. Il était cependant très claire, et dans son traité de rhétorique, il déclare ne chercher qu'une qualité : la clarté. Dans ses lettres, au lieu d'écrire à la fin : " Salut ", il écrivait, " Soyez heureux " ou " Vivez honnêtement ". Ariston ( Vie d'Épicure ) dit qu'il a tiré son ouvrage du Canon du Trépied de Nausiphane, dont il fut l'élève, comme il fut à Samos celui de Platonicien Pamphile. Il ajoute qu'il commença à étudier la philosophie à l'âge de douze ans, et qu'il créa son école à de trente deux ans. Il naquit, selon Apollodore ( Chroniques ), la troisième annéde la cent neuvième olympiade, sous l'archontat de Sosigène, le sept du mois de Gamélion, sept ans après la mort de platon. Âgé de trente deux ans, il fonda d'abord sa secte à Mytilène et à Lampsaque pendant cinq ans, puis il la transféra à Athènes et il mourut vers la deuxième année de la cent vingt-septième olympiade sous l'archontat de Pytharate, à l'âge de soixante-douze ans. Il mourut ( cf. Hermarque de Mytilène, Lettres ) de la pierre qui retenait les urines, après une maladie de quatorze jours. À ce moment, Hermippe dit qu'il se mit dans une baignoire de bronze remplie d'eau chaude et demanda qu'on lui donnât du vin pur. Il exhorta ses amis présents à ne jamais oublier ses préceptes, et mourut, et j'ai écrit sur lui cette épigramme :

Adieu, n'oubliez pas mes préceptes, ce furent d'Épicure
Les derniers mots à ses amis quand il mourut,
Car il était entré dans une baignoire chaude, et
But du vin pur, et s'en alla dans le froid Hadès.

      Telle fut la vie de ce philosophe, et telle sa mort. Voici quel fut son testament.

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